Coparentalité : le jugement prime la réalité |
Coparentalité : le jugement prime la réalité
Lorsquun mariage prend fin, les enfants sont de plus en plus souvent confiés aux deux parents. Cela sappelle la coparentalité. Le fisc suit alors la décision judiciaire et répartit la réduction dimpôt entre les deux parents... même si cela ne correspond pas à la réalité.
La coparentalité en théorie
Si des parents se partagent le droit de garde de leur(s) enfant(s), la réduction dimpôt pour enfants à charge est elle aussi répartie entre ces deux parents. Larticle 132bis CIR 92 dispose que lavantage fiscal doit être réparti entre les deux parents lorsque :
deux contribuables qui ne font pas partie du même ménage exercent conjointement lautorité parentale sur un ou plusieurs enfants à charge qui donnent droit à la majoration de la quotité du revenu exemptée d'impôt ;
lhébergement de ces enfants est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables ; et
la répartition égalitaire est basée :
soit sur une convention enregistrée ou homologuée par un juge dans laquelle il est mentionné explicitement que lhébergement de ces enfants est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables et quils sont disposés à répartir les suppléments à la quotité du revenu exemptée dimpôt pour ces enfants ;
soit sur une décision judiciaire où il est explicitement mentionné que lhébergement de ces enfants est réparti de manière égalitaire entre les deux contribuables.
La répartition égalitaire nest appliquée que si, au 1er janvier de lexercice dimposition, la décision judiciaire est rendue ou la convention enregistrée ou homologuée.
Important : la répartition est appliquée automatiquement dès que les conditions légales sont remplies, sauf dans lhypothèse où un coparent opte pour la déduction des rentes alimentaires.
Quand la réalité est différente
Le mariage dun couple avec trois enfants prend fin. Lors du divorce, le juge décide de confier lautorité parentale sur les enfants aux deux parents conjointement. Les enfants résideront chez les deux parents (coparentalité) et lavantage fiscal des enfants revient à parts égales aux deux parents.
Mais dans la pratique, il apparaît que la mère a les enfants en permanence chez elle, parce que le père ne respecte pas sa part du contrat. La mère ne fait rien pour dénoncer cette situation. Elle aurait sans doute intérêt à saisir le juge pour obtenir un nouveau régime de garde, mais elle nen fait rien.
Ce quelle fait, en revanche, cest reprendre les enfants comme enfants à charge dans sa déclaration pour les années 2014 à 2016. Autrement dit, elle revendique la totalité de la majoration de la quotité du revenu exemptée dimpôt pour enfants à charge.
Le fisc se base sur le jugement de divorce pour refuser la déduction totale. Comme prévu explicitement dans le jugement du juge de paix, elle nobtient que la moitié de la réduction dimpôt prévue. Sa réclamation est rejetée et laffaire est portée devant le tribunal de première instance de Louvain.
Le juge
Le juge fiscal examine le jugement de divorce de plus près. À lépoque, le juge de paix a statué comme suit :
les deux parents obtiennent lexercice conjoint de lautorité parentale sur les trois enfants ;
les enfants séjournent chez leurs parents dans le cadre dun régime de garde partagée (sauf accord contraire) ; et
lavantage fiscal des enfants, eu égard à la garde partagée, est réparti de manière égalitaire entre les deux parents.
Cette décision judiciaire ne laisse que peu de marge de manuvre au juge fiscal. Puisquil ny a pas de décision judiciaire contraire ni de convention enregistrée ou homologuée contraire, le régime de coparentalité, tel quil a été prononcé par le juge de paix, sapplique (aux termes duquel la réduction dimpôt ne revient que pour moitié à chacun des parents).
Le fait que la situation de fait est différente de la situation de droit doit être ignoré.
Cassation
Le jugement du tribunal de Louvain date du 20 mars 2020. Un peu plus tôt (17 février 2020), la Cour de cassation avait jugé dans une affaire non fiscale que larticle 132bis CIR 92 nintroduisait pas une obligation, mais seulement une possibilité de répartition égalitaire de lavantage fiscal.
Si nous tenons également compte de cet arrêt de la Cour de cassation, nous pouvons conclure quil ny a pas dautomatisme entre les conditions de larticle 132 bis CIR 92 et la répartition égalitaire de la réduction dimpôt.
Reste à savoir si cela suffira au juge pour ignorer le jugement de divorce et se baser sur la situation de fait.
Quoi quil en soit, il est clair que si la situation de fait ne correspond pas à la décision judiciaire, le parent intéressé a tout intérêt à réagir au plus vite.